Je ne suis pas un gay de fiction, de Naoto Asahara

Éditions : Akata
Collection :  Young Novel
Auteur : Naoto Asahara
Couverture : Tom "spAde" Bertrand
Parution : 24 octobre 2019

Petit coup de ♥ !!

Résumé :
Jun est lycéen, et il est gay. Bien que vivant caché, il sait parfaitement qui il est. Fan de Freddie Mercury, il fréquente un homme plus âgé que lui… et marié ! Son seul véritable confident, Mister Farenheit, est une connaissance d’internet avec qui il discute via les réseaux sociaux. Mais quand un matin, au détour d’une librairie, il croise Miura, une de ses camarades de classe, en train d’acheter un manga homo-érotique, son quotidien va petit à petit s’effriter. Car cette dernière, fan de « tout ce qui est homo », ne voit pas l’évidence devant elle. Petit à petit, la lycéenne va tomber amoureuse de Jun… Ce dernier, prêt à tout pour entrer  dans le moule et obtenir un bonheur « comme les autres », va essayer de répondre à cet amour. Combien de temps pourra-t-il entretenir ce mensonge  ?


AVIS  

Ce roman aborde énormément de sujets et de thématiques. Dès les premières pages, voire les premiers instants nous nous interrogeons sur la visibilité de l’homosexualité, et surtout des idées reçues, perçues en comparaison de la réalité, de ce secret qu’on ne dévoile pas sinon le jugement est présent. Une véritable clarté sur les intentions du roman, sur son ton et ses thématiques. ♥ Est-ce que j'imaginais ça en lisant ? Pas du tout. C'est un roman percutant, intense criant de vérité. La couverture reflète l'atmosphère des pensées de Jun Andô, de l'incertitude, de la détresse, de la recherche de soi et sur des rythmes de musique reflétant la dynamique de l'histoire. Après je ne savais pas grand-chose de l’histoire. 😉 

Jun Andô est un jeune lycéen, homosexuel, rencontre Miura à la caisse d’une librairie. Elle avait entre les mains un Boy’s Love, des mangas M/M. Elle tombe amoureuse de lui. C’est une fujoshi (terme péjoratif désignant des femmes aimant les BL). Sa vie tranquille va changer petit à petit face à cette rencontre et tous les évènements suivants. 

Juste, la première scène de sexe est malsaine, ou c’est que moi ? Quand il a appelé d’un certain nom ou encore qu’il suppose que son mec a une attirance pour une personne en particulier, la tête que j’ai faite. C’était folklorique. Je me suis arrêtée deux secondes dessus. xD Je suis très ouverte mais j’ai des limites. D’ailleurs cette scène est vraiment importante dans les réflexions du héros. Cela nous montre le ressenti et également le vis-à-vis du paraître, de l’intégration dans la société avec ses codes spécifiques, des obligations dans la conformité pour être bien perçu, ne rien laisser entrevoir (le mari qui couche avec lui alors qu’il a une femme). Avec ce roman, même si on peut le savoir déjà, rappelle ou montre les sentiments d’une personne qui n’est pas en adéquation avec sa société, où cette dernière exige des cases et des étiquettes. Et la seconde scène, comment dire… je n’étais vraiment pas contente sur un aspect. 

Jun est notre protagoniste. C’est un jeune garçon complexe. Il est dans une société qui n’accepte pas vraiment l’homosexualité. Il n’a aucune confiance en lui. La société ne lui permet pas de s’épanouir. Il a des pensées assez formatées, qu’on lui a inculquées (comme tout le monde d’ailleurs). Obligé de jouer un rôle pour ne pas se dévoiler, il est dans la tourmente, dans la détresse, et se dévalorise. Outre le fait de rien dire, à ce qui rapporte de près ou de loin à son homosexualité, il est assez franc, honnête et pragmatique. Une confiance biaisée qui se retranscrit sur ses interrogations, sur ses sentiments, son désir d’avenir, doublé d’une peur du rejet en se sentant coupable. Tout cela, entre autres choses, me fait penser aux mécanismes que les victimes (comme celles d’harcèlement, d’agressions…) mettent en place pour se protéger. Mais, en plus de cela, sa culpabilité se ressentait quand il s’accusait d’être ce qu’il est, je dirais plutôt de son orientation sexuelle. C’est comme si pour lui c’était un fardeau (la vision et l’acceptation de l’homosexualité ne l’aide pas), une accusation, une punition de l’être. Par contre, Jun les goodies c’est sacré ! =P

Le relationnel est tout aussi important. Les personnages secondaires sont également nombreux et ont même un « rôle » pour faire avancer Jûn dans sa quête identitaire. Le mot « rôle » est peut-être un grand mot. Néanmoins iels ont tous quelque chose à apporter en tant que personnage. Iels n’ont pas que ce rôle justement, iels ont de la saveur, de la substance, une histoire propre. Iels apportent des réponses et permettent à Jun d’évoluer et de trouver sa voie. 
Mr Fahrenheit soutient inébranlable et ami de Jun. Il est la « voie des réponses », sert pour les interrogations de Jun et nous montre d’autres visions en nous parlant du VIH/Sida. Il pousse Jun dans ses retranchements. Jun peut parler en toute honnêteté avec lui. On ne peut pas s’empêcher de s’attacher à son histoire, à sa personnalité, à lui. Une très belle amitié. 
Miura, amoureuse de Jun, est pétillante, passionnée et déterminée. Devenant un soutien pour Jun et une source de possible et de questions, elle est une sécurité qui n’a pas la langue dans sa poche. Quand elle parle de la planète BL, des sourires apparaissent en coin tellement elle s’implique. Elle évolue également au côté de Jun avec une affirmation de soi qui éclate en grand fracas. ♥
Ryôhei, ami d’enfance de Jun, a une façon particulière de dire bonjour aux garçons (*tousse*tousse*), il est pétillant et a une joie permanente. Je trouve qu’il est observateur et un peu en retrait avec ses petites hésitations personnelles. J’ai bien aimé les subtilités tout au long du roman le concernant. 
Puis Makoto, dit connard (surnom personnel administré), c’est l’amant de Jun. Je ne l’ai pas aimé. Je comprends pourquoi il va voir ailleurs (que je ne cautionne pas au passage) mais l’information sur une attirance, qu’est-ce que c’est ce bordel ? C’est tellement malsain. Néanmoins, quand il a raconté son histoire je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un sourire face à certaines parties de son histoire. Je suis restée moins sur le bouton off plus tard mais non, je ne peux pas. En plus, il est manipulateur, profiteur de la naïveté et un opportuniste. Le passage du préservatif je l’ai toujours en travers de la gorge. 
Évidemment, y en a encore d’autres comme Ono (d’ailleurs j’avais envie de l’éclater à un moment donné) mais je garde le mystère sur les autres. 

Ce roman a, je pense, plusieurs lectures dont l’homophobie évidemment mais également la construction de soi en général et dans l’adolescence plus particulièrement. C’est écrit au premier pronom personnel, mettant en œuvre un point de vue, permettant de mieux cerner Jun et ses interrogations. Les descriptions posent le décor et nous plongent davantage dans la tourmente du jeune garçon et de son environnement. À une tournure de l’histoire, je ne m’attendais pas à cela. Dans ma tête, c’était très clair puis j’ai vu le chemin que l’auteur nous montrait pour « Je ne suis pas un gay de fiction ». Le roman devient plus intense et complexe. Nous rentrons davantage dans cette construction de soi et tous les questionnements que ça engendre. Les questions existentielles, la recherche du pourquoi, des vérités pas évidentes, trouver la réponse acceptable ou arranger la réalité/vérité sont autant des éléments du roman. Ce besoin de réponse pour simplifier l’existence entraînant une dissonance. Également, nous trouvons les relations femmes-hommes, la complexité de ces relations dans l’amitié et l’amour. Qu’est-ce que c’est réellement l’amour ? Ou parle-t-on plus de désir ? et le sexe ? Mention spéciale à Mr Fahrenheit sur sa vision de l’amour en deux parties. ♥ J’étais explosée de rire. Il m’a tué. 

Qu’est-ce qui nous définit ? C’est une interrogation récurrente tout au long du roman. La construction de soi se fait à chaque instant. C’est une phrase bateau mais c’est la vérité. Ici, le comment se définit-on dans la vie, renvoie à l’orientation sexuelle le plus souvent (d’ailleurs Jun j’avais envie de te secouer pour que tu ouvres les yeux). Renforcée par cette normalité fixée par la société et la culture où la pression est inconsciente en prenant les images/rôles acceptables, ancré·es des femmes et des hommes. C'est surtout un livre sur l'acceptation au regard d'une société qui te bannie, te renie, qui te cache pour ne pas être emmerdée par des questions sur l'existence même et sur une remise en cause des connaissances acquises et inchangées depuis des millénaires. Les changements de perspective ne sont pas évidents. Un inconfort s’installe dans cet ensemble d’éléments qui est retranscrit parfaitement dans le comportement et les pensées de Jun. 
Outre de cette construction, le texte dénonce les stéréotypes, les préjugés avec la (in)compréhension, les pensées d’un homosexuel face à des mots, des phrases et des comportements, en adéquation avec les normes acceptées ayant des répercutions. Des conséquences qui peuvent être graves, l’auteur n’épargne rien. Jun essaie de se convaincre. D’ailleurs, la hiérarchisation sociale, l’importance de certains sujets, ce qui fait que le/la jeune est populaire avec le sacrifice pour être conforme à ce qui est attendu sont ponctués au fil des pages. Ce roman est entouré de l’atmosphère d’opposition concernant les aspects réalité et fiction. Cette réalité plus compliquée que le fantasme et le fait de romancer. Ce sujet particulièrement me fait penser à énormément de romances où des comportements sont acceptables alors que dans la réalité ce n’est pas vraiment le cas. 

Ce roman m’a fait passer par plusieurs émotions. Même si j’étais moins passionnée dans mes sentiments, une atmosphère dérangeante/perturbée s’installe, une tristesse demeure quand nous lisons et pourtant, des sourires, des rires ponctuent le récit. J’avais le cœur serrait quand Jun se dévalorisait, culpabilisait, et devant ses injustices, et ses croyances sur l’homosexualité, une rage montait. J’avais tellement envie de dire que non ce n’est pas anormal d’être homosexuel·le, de ne pas se définir que par ça, que ça fait partie de toi, que la science actuellement peut permettre que tu aies une famille biologiquement parlant, que tout le monde a des désirs et des envies. J’avais tellement envie de le serrer dans mes bras et de le secouer aux passages.
Puis, cette fin. ♥ L’apaisement s’est montré, j’étais tellement contente pour lui. FONCE JUN ! Cette banane de dingue. ♥


Un roman percutant, parlant, saisissant et plein d’amour. ♥ Ce livre mérite d’être lu par tout le monde. À partir de 14/16 ans ce roman peut être lu. Inscrit dans public averti, et ce n’est pas pour rien. ♥ Il peut aider dans les questionnements et montrer les difficultés de certaines personnes. 

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