Les Ombres d’Esver, de Katia Lanero Zamora

 


Éditions : ActuSF
Collection : Naos
Autrice : Katia Lanero Zamora 
Couverture : Alexandra V. Bach
Parution : 22 Novembre 2018


Résumé :
Amaryllis, 16 ans, n'a jamais connu que la maison où elle est née, le domaine d'Esver, reculé, magnifique, mystérieux. Dans ce manoir où elle vit seule avec sa mère, elle étudie la botanique avec l'espoir d'en faire son métier, malgré des nuits hantées par de drôles de rêves... Le jour où elles reçoivent une lettre du père annonçant la vente du domaine et le mariage de force d'Amaryllis à un de ses associés, tout bascule. Derrière les portes fermées d'Esver, la jeune fille trouvera-t-elle de quoi échapper à son destin ?

Née en 1985, Katia Lanero Zamora travaille actuellement à la RTBF. Avec ses accents gothiques, son roman La Vouivre nous a totalement séduit. Il possède une force d'évocation peu commune...


AVIS  :   

Nous débutons le roman dans une certaine atmosphère, sur ces étranges ombres qui hantent, terrorisent Amaryllis. Cette dernière vit seule avec sa mère dans le domaine d’Esver. Alors qu’elle rêve d’aventure et qu’elle soit obligée de s’occuper de botanique toute la journée, une lettre de son père va tout changer. Le domaine est sur le point d’être vendue et Amaryllis doit épouser le futur propriétaire. Des questions surgissent/demeurent : pourquoi Amaryllis ne peut pas sortir de la maison et du domaine ? Et quelle est son étrange maladie ? À partir de là, tout s’enchaîne.

Dès le départ, le fonctionnement du domaine de Amaryllis et de sa mère est décrit ainsi que leur vie. Quel est le secret derrière cette vie ? Pourquoi cette obsession pour la botanique ? Pourquoi Amaryllis n’est jamais sortie ? Des interrogations qui sont sans cesse présentes au cours du roman. Les évènements viennent bousculer nos deux personnages ainsi que nous (moi ఠ_ఠ). Une aventure se fait et j’étais perplexe devant mon livre de même émerveillée (à fond !). Cela arrive sans signe avant-coureur tel le mot magique « POUF ». L’évènement nous pousse à se questionner sur ce qu’il se passe et sur le roman, sur l’intrigue, sur tout. 

C’est une sorte de « huis-clos » extensible. Nous sommes dans un endroit unique, où derrière le portail un monde de mystère s’ouvre. Amaryllis et sa mère sont bloquées toutes les deux depuis 10 ans. Comment est-ce arrivé ? L’intrigue se développe petit à petit, par couche, par détail, par extension. 😉 Amaryllis voit des ombres, des cauchemars, elle est terrifiée quand la nuit tombe. On tâtonne au début, puis les surprises arrivent. Le roman a une écriture donnant un ton et une atmosphère particulière. C’est un roman gothique et ça se ressent dans l’écrit. Les descriptions sont précises, enrichies nous permettant d’imaginer, de visualiser les scènes et les décors. Cela fait que nous sommes plongé.es davantage dans l’atmosphère du roman, du manoir, entouré.es de tous ces décors avec ces meubles et cette flore. De plus, outre les descriptions du décor et de la mise en scène, les personnages et leurs sentiments, leurs émotions sont poussés, développés, clairs, précis, pointus. L’écriture soignée exacerbe les scènes décrites. Les scènes donnent une impression qu’elles se superposent, rendant plusieurs atmosphères possibles comme une spécificité pour chaque temps ou ton du roman. Comme par exemple quand elle est en train d’étudier ou quand l’aventure s’impose. Une dynamique particulière, en plus de la dualité réalité/imaginé, nous laissant questionneur sur notre lecture. Tout cela dans une fluidité entraînante.  

Amaryllis est une jeune femme de 16 ans. Elle a toujours vécu à Esver, enfermée dans ce domaine. À part les plantes, les livres de botaniques et sa mère, elle ne connaît rien du monde extérieur. Elle n’a aucune distinction, seule compte ses études, telle ce que sa mère a décidé. Elle s’est renfermée cachant ses secrets et essentiellement ses sentiments. En plus, la communication avec sa mère n’est pas facile. D’un côté elle est dans le déni, voulant fermer les yeux, se voilant la réalité, et de l’autre elle est prudente, doute, cherche à comprendre commençant à ouvrir les yeux. Cette jeune femme fermée dans un cocon concocté par sa mère va finir par s’accepter, à s’affirmer et avoir confiance en elle. Chaque action, chaque pas vers l’aventure, va peu à peu l’aider à se libérer de ses chaînes, la réveiller et l’aider à se trouver. 

Sa mère, c’est une autre histoire. Au premier abord, je ne l’aimais point. Mais vraiment. C’est le genre de parent qui croit qu’un enfant (et en plus une adolescente là) doit tout à la personne qui l’a élevé --‘ Des petits envies de meurtre, bref. Les questionnements sur son passé, sur son comportement austère, autoritaire, manipulateur et sur la reconnaissance qu’elle veut subsistent jusqu’aux révélations. Comment est-elle devenue austère, dépitée ou quand est-ce elle a abandonné ? Je comprends, mais bon sang… c’est le genre de comportement qui m’insupporte. Elle va se redécouvrir en tant que personne et se poser des questions à partir d’un moment sur son passé et sur son présent. Sa fille va l’obliger à faire face à sa vie. 

Le relationnel entre ces deux-là est très important pour l’histoire, une relation au premier abord dépendante qui se montre sous un nouvel angle dès qu’on découvre les secrets. La mère et la fille ont un lien particulier qui va se redécouvrir en passant par plusieurs facettes notamment la colère, l’opposition et la résilience. Certes, c’est compréhensible pour la mère mais elle a oublié quelque chose au cours de route. 😉 Elles seront acculées devant la vérité.

Après un début un peu hésitant pour ma part, les pages défilaient à une sacrée vitesse. Le mystère s’épaississait de plus en plus entre les murs d’Esver. Le comportement des uns et des autres commence à être compréhensible, les hypothèses étaient de plus en plus nombreuses. Un besoin impérieux de savoir le déroulement et de connaître la cause de l’enfermement. Une rage en moi montait devant les découvertes. En plus des péripéties, le côté psychologique prend de l’ampleur. Ce livre aborde plusieurs thématiques. Ce tournant psychologie est très marquée et réaliste dans cet univers notamment le combat intérieur des deux femmes et leurs émancipations. Le relationnel enfant/parent est évoqué dans la douleur et l’amour ainsi que la condition de la femme et son traitement dans la société de cette époque. D’autres sujets douloureux font leur apparition également. 


Tout au long du roman, l’histoire nous entraîne entre la réalité et le fantastique et les interrogations se multiplient. Tout doucement la lecture nous transporte pour arriver à un tournant où la découverte de la vérité se fait avec frénésie. Les personnages sont attachants et marquants. Un roman que j’ai beaucoup apprécié de découvrir. Un sourire en coin apparaît en fermant le roman, ressortant de notre lecture une certaine satisfaction et un brin chimérique. ^-^ 

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